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Série consacrée au Paris littéraire par Xavier Lyder Dante et Made in Paris – #2

Les écrivains parisiens ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

Charles Péguy, enfant des faubourgs d’Orléans, chantre de la Loire, de la cathédrale de Chartres et d’une France paysanne immémoriale, fut un de ces Parisiens bizarres, à moitié avoués seulement, ces Parisiens par exil qui sont pourtant peut-être les seuls vrais. Parisien, il le devint par ses études de khâgneux, à l’internat de Sainte-Barbe, puis comme normalien, rue d’Ulm, ensuite comme dreyfusard engagé corps et âme dans la défense du capitaine Dreyfus, au cœur du Quartier latin.

Il animait une librairie, puis une revue, les Cahiers de la quinzaine, passant de la rue Cujas à la rue de la Sorbonne, tournant autour de l’Université qu’il ne cessait d’attaquer dans ses pamphlets.Péguy se prétendait paysan, mais vivait bien en Parisien, ne prenant le train à la gare du Luxembourg, toute récente, que pour rejoindre sa famille à Orsay ou à Bourg-la-Reine. L’ancêtre du RER B !

Pour Péguy, on n’est pas parisien comme on est orléanais ou bordelais. On l’est tout simplement parce que l’on reste à Paris, comme un nomade prenant une longue pause en cette oasis de pierre et de fer, où se succédaient les Expositions universelles. À la fin de l’essai Victor-Marie, comte Hugo, Péguy se prend à rêver comiquement à un « parti des gens qui ne quittent pas Paris pendant les mois d’été », abrégé en L.P.D.G.Q.N.Q.P.P.P.L.M.D.E., dans lequel il inclut ses amis les plus proches, dont l’écrivain Julien Benda, qui « voyage jusqu’à Versailles pour n’en être point », mais qui « se cache à Paris pour en être ». On n’est pas de Paris ; on est à Paris. Et jamais ne l’est-on davantage que pendant les grandes vacances. Paris appartient à tout le monde, parce que « Paris n’appartient à personne » ; il suffit d’y être pour en être.

Le Paris de Péguy est donc une ville ouverte, hospitalière, et en même temps une ville pleine de ses traditions, d’une histoire longue et pérenne, sûre d’elle-même, ce qui explique son inconstance toute en continuité, sa bigarrure, son hétérogénéité mêlée d’homogénéité. C’est une ville à la fois nationale et internationale, horizontale et verticale, conservatrice et révolutionnaire, royale et républicaine, creuset de tous les contraires : « la plus antique des Babels modernes », et « la plus moderne des Babels antiques ». Une ville qui revient à tous et à chacun, où l’on se perd dans la foule, mais où l’on se retrouve toujours soi-même au bout du compte. « Ville de plus grand peuplement, du plus de surpopulation. Ville aussi du plus de solitude, de la plus grande, de la plus auguste, de la plus royale solitude. » L’anonymat des grandes villes n’est qu’une apparence commode ; ce qu’on y trouve en réalité, c’est la liberté d’être soi-même.

© Made In Paris

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